Transparence et contrastes : La création d’une pièce lumineuse

Dans l'univers des métiers d'art québécois, les collaborations sont une source d'innovation et de créativité. L'histoire de Mathilda et Elfenn en est un bel exemple. Leur projet commun, né d'une contrainte, s'est transformé en une œuvre lumineuse et unique. Voici l'histoire d'une rencontre entre céramique et illustration, où la transparence et le contraste ont guidé chaque étape.

La magie de l'argile translucide : l'étincelle d'un projet commun

Tout a commencé pour Mathilda Lovell, céramiste, lorsqu'elle a dû faire face à un problème :

« L'année passée, il y a eu un gros problème d'approvisionnement d'argile, et j'ai dû acheter différentes argiles pour tester, afin de pouvoir remplacer la mienne. »

Parmi ces nouvelles matières, une argile translucide, fascinante mais inhabituelle pour elle, a retenu son attention. Cependant, une fois son argile habituelle récupérée, elle se retrouve avec ce matériau spécial entre les mains :

« Je ne savais pas trop quoi en faire, mais puisqu’elle est ultra-translucide, je voulais faire quelque chose qui utilise la lumière pour mettre en valeur sa transparence. »

C'est alors qu'elle pense à créer un photophore, un objet utilitaire qui pourrait magnifier cette matière en laissant la lumière traverser la céramique fine. Pour apporter une touche artistique, elle se tourne vers Elfenn Manrot, illustratrice montréalaise :

« Je me suis dit quoi de mieux qu'un contraste noir et blanc pour cette argile-là, et Elfenn fait tellement de beaux designs avec ce contraste noir. »

La proposition est lancée, et ainsi démarre leur collaboration.

Céramique et sérigraphie : un duo créatif en action

L'idée de cette collaboration a pris forme à partir d'une réflexion commune autour de l'objet et de ses caractéristiques. Ensemble, elles ont conçu un photophore, une pièce décorative où la lumière devient un acteur central. Mathilda, qui travaille souvent avec des couleurs vibrantes, a opté ici pour une palette restreinte :

« Ce sont les particularités de l'argile utilisée qui ont dicté le choix du noir et blanc. »

Elfenn, quant à elle, une revisité de ses anciennes illustrations. Elle raconte :

« J'ai pris une base d'une illustration que j'avais déjà faite et je l'ai adaptée. J’ai pris différents morceaux existants et j’ai refait une composition un peu différente afin que ça soit suffisamment allongé pour faire le tour de la pièce de céramique.»

En l'occurrence, elle s'est inspirée de sa première collection, MonMTL , un clin d'œil à aux premières productions de son entreprise.

« C'est assez marrant de réexploiter ça parce que j'étais un peu triste d'avoir arrêté. Ça m'a donné envie de m'y remettre. »

La technique choisie pour intégrer les illustrations sur la céramique est la sérigraphie. « J'ai préparé la soie à sérigraphie, et Mathilda l'a appliquée sur la pièce de céramique. » Ce processus de transfert demande précision et savoir-faire, et chacun des deux artistes y a apporté sa touche.

Maîtriser la technique pour sublimer la création

Bien sûr, tout projet artistique a ses défis, et cette collaboration n'a pas fait exception. Le premier obstacle rencontré par Mathilda concernait la forme même du photophore : « À la base, je l'ai fait sans fond, mais ça déformait trop l'argile quand je la tournais trop mince. J'ai donc dû lui faire un fond. » Une adaptation nécessaire pour garantir la stabilité de l'objet tout en préservant sa transparence.

Du côté d'Elfenn, la sérigraphie a aussi représenté un défi. Elle confie :

« J'ai trouvé ce projet très stressant. Je déteste les modes d'emploi, m'initier à quelque chose de nouveau... donc ça m'a foutu un gros stress de devoir préparer les soies. »

Bien que familiarisée avec cette technique, grâce à une initiation auprès d'une artisane textile, Elfenn a dû s'adapter aux contraintes matérielles. Le kit de sérigraphie compact, qui a été utilisé, imposait certaines limitations : « On était un peu limité au niveau des dimensions par le kit de sérigraphie. On tenait à ce que l'illustration fasse tout le diamètre du pot. »

Malgré ces difficultés, leur détermination a payé. « Je suis fier d'avoir relevé ce défi », déclare Elfenn, satisfaite du résultat.

Un modèle unique. Une collection à venir?

Pour le moment, un seul modèle de photophore a été créé, mais l'idée d'étendre la collection à d'autres formats et pièces n'est pas exclue.

« Puisqu'un seul modèle est actuellement réalisé, il se peut que d'autres pièces de formats différents soient développées ultérieurement », explique Mathilda.

Elfenn, de son côté, se réjouit de l'opportunité de revisiter ses premières illustrations de MonMTL . Cette expérience lui a redonné l'envie d'explorer de nouveaux supports pour son travail graphique : « Ça m'a donné un peu envie de m'y remettre et de l'exploiter différemment sur d'autres supports. »

De nouvelles perspectives artistiques après une première réussite

Cette collaboration a également ouvert de nouvelles avenues pour chacune des artistes dans leurs créations futures. Elfenn, qui a découvert les avantages de la sérigraphie à domicile, envisage déjà de nouvelles possibilités:

« Le fait de m'être procuré cet ensemble de sérigraphie, qui est simple et que je peux utiliser facilement à la maison, m'a donné des idées pour faire d'autres choses pour ma collection personnelle. »

Quant à Mathilda, cette première expérience de sérigraphie pourrait bien se poursuivre :

« Je n'avais jamais fait de sérigraphie et il se peut que j'aie envie de continuer : les images produites par sérigraphie sont plus propres, plus définies que les motifs peints à la main. »

Au-delà de l'aspect technique, les deux artistes ont hâte de connaître l’accueil que recevra leur nouvelle pièce. Elfenn avoue :

« Normalement mes collections sont très colorées et texturées, et là, je dois m'en tenir à du noir et blanc ultra simple. Je suis assez curieuse de voir si les gens vont aimer notre production. »

Une curiosité partagée par Mathilda, qui attend avec impatience les retours sur cette création atypique dans son parcours.

Ce projet, né d'un besoin d'adaptation, est devenu une véritable réussite artistique, marquée par la rencontre de deux univers créatifs. Une belle démonstration que, dans le monde des métiers d'art, les contraintes peuvent parfois mener aux plus belles découvertes !

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